Inutile d’avoir grandi avec les Marvel pour être le gardien d’une galaxie. Du haut de ses 65 ans, Christian protège obstinément l’héritage de La Clusaz, l’une des stations les plus étoilées du monde avec sa myriade de champions. Le patrimoine et les traditions, c’est son rayon et le nom de l’association qu’il a contribué à fonder avec une dizaine de bénévoles en 1999. Il évoque ses souvenirs en égrenant les dates-clés de l’évolution du ski dans la station.
Votre implication à La Clusaz se compte en décennies : 25 ans comme pompier bénévole et 47 ans comme moniteur. D’ailleurs, vous enseignez toujours.
Je viens en renfort à l’ESF l’hiver et je retrouve souvent d’anciens élèves qui me demandent des cours pour leurs enfants, voire leurs petits-enfants. Beaucoup de clients sont fidèles à la station.
Comment expliquez-vous cette fidélité ?
Il y a plusieurs raisons. La Clusaz est une station avec une âme, un village de montagne connu pour ses vieilles pierres, son architecture, ses chalets centenaires et son clocher. Il y a aussi l’ambiance chaleureuse de l’après-ski. Et puis la plupart des commerçants et des moniteurs sont originaires du coin : ils veulent partager leur fierté et leur amour de la région avec les visiteurs. Quand j’ai commencé les cours en 1974, nos élèves étaient un peu comme des amis. S’il faisait mauvais, on allait au café pour discuter au son de l’accordéon. Cet esprit convivial se perpétue. Il y a aussi un dynamisme et un grain de folie que les visiteurs apprécient
Vous pensez à quelque chose en particulier ?
En plus de tous les évènements originaux qui ont fait la réputation de La Clusaz, je pense à la course du Bélier à ski. Entre 1970 et 1985, on organisait un derby depuis le sommet de Beauregard. Environ 80 participants se tiraient la bourre en ski de descente avec un engagement total. Il fallait faire le tour de la station en un minimum de temps jusqu’au Champ Giguet, avec des points de passage obligés : l’Etale, l’Aiguille, le bas de Balme, Torchère… De très bons skieurs comme Guy Périllat ont participé. J’ai gagné le Bélier plusieurs fois, mais la course a été abandonnée en 1985 pour des raisons de sécurité. C’était potentiellement dangereux car les pistes restaient ouvertes, même s’il n’y a jamais eu aucun incident.
Vous avez également été entraineur au club des sports pendant 10 ans : quels souvenirs en gardez-vous ?
Que des bons souvenirs ! Le ski de compétition est une école de la vie. On avait à cœur de donner de la joie aux gamins, et c’est toujours le cas aujourd’hui. Depuis plus de 60 ans, les enfants apprennent à skier grâce aux prestations de ski scolaire offertes par l’ESF et le Club des sports, qui ont toujours été actifs dans l’organisation de compétitions internationales. Entre 1985 et 2014, La Clusaz a accueilli 21 épreuves de Coupe du monde : 9 de freestyle, 7 de ski de fond, 3 de kilomètre lancé et 2 de parapente. Sans oublier les Mondiaux de ski acrobatique en 1995, quand Edgar a remporté le titre. Ce n’est pas un hasard si la station compte autant de champions.
Vous êtes aussi trésorier de ‘patrimoine et traditions’. quels sont les objectifs de votre association ?
Préserver et transmettre l’héritage de La Clusaz. Les bénévoles se réunissent tous les vendredis pour restaurer ou entretenir des sites d’origine : la scierie et ses greniers, les fours banaux, les chapelles, les toitures en tavaillons… Nous faisons aussi découvrir l’histoire du village au Hameau des Alpes, avec sa vitrine de champions, ses espaces sur le ski et le Reblochon. Les gens aiment apprendre qu’autrefois, les enfants allaient à l’école en luge sur la route enneigée, que les pistes étaient damées au rouleau, skis aux pieds … Nous sommes très investis dans cette transmission, car comment savoir où aller si on ne sait pas d’où l’on vient ?
Toute une histoire
À La Clusaz, le développement des sports d’hiver va de pair avec l’émergence constante de champions sur la scène internationale, dans presque toutes les disciplines du ski. Un phénomène unique.