Vous pensiez que le bélier était l’emblème de La Clusaz ? Attendez de rencontrer Yvette. Ici, tout le monde la connait. Désignée comme une légende locale, un symbole haut en couleurs ou une institution, elle est de toutes les fêtes qui ont fait la réputation de la station.
On la salue sur un télésiège ou à la terrasse d’un restaurant. Les gens viennent discuter avec elle à son magasin, ou passent en coup de vent en lançant à travers la porte un grand « bonjour Yvette ! ». Impossible pour elle de passer incognito. Mais finalement, est-ce qu’elle aimerait se fondre dans le paysage ?
Incontournable, Yvette fait partie du décor depuis plus de 60 ans. « Je suis une étape du circuit touristique », dit-elle en souriant.
Le mot retraite ? Au vestiaire. La tristesse ? Bannie de son vocabulaire.
« Je ne me sens jamais fatiguée, c’est bizarre, non ? »
Pas vraiment. Elle rit beaucoup, cultive la bonne humeur au quotidien, dessine le cercle vertueux de la pensée positive.
Mais vous prenez quoi, Yvette, au petit-déjeuner ?
« Ma seule drogue, c’est le ski. »
En hiver, elle va faire quelques descentes à la pause de midi, rejoint parfois des amis pour prendre un verre au soleil, puis retourne travailler à la boutique.
« Je tiens cette passion de mon papa. Il était cabinier à Beauregard et au téléski du Crêt du Loup. Je le rejoignais après l’école pour faire la dernière descente avec lui, au coucher du soleil. »
Car à l’époque, le ski ne fait pas partie du programme scolaire. Ou plutôt : les garçons apprennent à skier pendant que les jeunes filles s’initient au tricot. Yvette confie :
« Je n’étais pas très douée. La maîtresse me regardait d’un sale œil en disant : ah, ça va mieux sur des skis ! »
Au moment de choisir un métier, Yvette part à l’école hôtelière de Bonneville. Elle veut travailler dans l’hôtellerie ou la restauration pour accueillir chaleureusement les vacanciers.
« Ça fait partie de ma nature, j’aime quand les gens se sentent bien. »
Mais en 1959, ses parents ont l’opportunité d’ouvrir un magasin de ski dans un petit grenier, à deux pas du commerce actuel. Elle se lance avec eux dans l’aventure.
L’ouverture coïncide avec le boom des sports d’hiver, mais aussi les premières victoires de son frère Guy, champion du monde de combiné et médaillé de bronze de descente aux Jeux Olympiques de Squaw Valley en 1960. La station apparaît dans tous les journaux, Paris Match en tête. En un temps record, les affaires explosent. Il faut trouver un local plus vaste, agrandi au fil du temps jusqu’à devenir le magasin actuel.
Sur plus de six décennies, Yvette a habillé quatre générations d’amateurs de mode et de sport – depuis l’élégant fuseau noir jusqu’au baggy inspiré de la culture hip-hop, en passant par les pulls jacquard en maille ou la combinaison fluo avec ceinture et épaulettes surdimensionnées. Elle conserve d’ailleurs précieusement en souvenir quelques pièces dans sa réserve.
« Par nostalgie, mais aussi pour les costumes du Carnaval », véritable institution de La Clusaz. Chaque année en fin d’après-midi, les commerçants baissent leur rideau, les moniteurs troquent leurs skis pour des paillettes et des perruques, les garages s’ouvrent sur des chars à thème pour une grande parade dans les rues du village, clôturée par un feu d’artifices.
Yvette a participé à toutes les éditions : en ange ou en démon, en Claudette, en fan de Johnny, en blonde peroxydée à la tête des Barb’Yvette… Elle embarque toute son équipe, qui en redemande. « On attend tous ce moment avec impatience », comme en témoignent les photos qui habillent les murs du magasin. « Petite, je me déguisais beaucoup avec mes parents. J’ai gardé une âme d’enfant. ».
« La Clusaz est une station qui bouge, qui aime s’amuser et qui est connue pour ça. »
Impliquée depuis toujours dans la vie du village, ambassadrice lors de différents salons ou évènements de promotion, Yvette se réjouit :
« La Clusaz est une station qui bouge, qui aime s’amuser et qui est connue pour ça. »
Toutes les occasions sont prétexte à faire la fête : la fin de saison ? C’est parti pour le Défi Foly, la Der des Ders ou le festival de Radio Meuh. La victoire d’un champion : et si on célébrait son retour ? Ce soir, c’est la pleine lune : partons skier à la Full Moon…
Yvette se dit « fière d’être Cluse, en toute modestie ! » Avec sa personnalité joyeuse et chatoyante, elle est à l’image de la station : sportive et festive. Et surtout, elle est une formidable source d’inspiration pour les plus jeunes. Ils n’ont qu’à bien se tenir pour essayer de suivre ses traces.