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Antoine Collomb-Patton

Originaire d’Annecy mais licencié au Club des Sports de La Clusaz depuis tout petit, Antoine Collomb-Patton nous a régalé lors de l’hiver 2024 en ramenant une médaille de bronze en ski de fond au Deaflympics d’hiver en Turquie.
Il devient alors le premier français médaillé dans cette discipline depuis la création de cette compétition hivernale en 1949. Ah oui, petit détail qui a son importance : Antoine est sourd de naissance.

On a pu le rencontrer malgré son emploi du temps bien chargé, et on en a profité pour lui demander de nous retracer sa vie et son expérience à Erzerum en mars dernier. Entre école classique, foot, ski de fond et travail à temps plein, Antoine ne s’ennuie pas.

Antoine :

Ma carrière en ski de fond a commencé un peu tard, j’ai commencé par du ski alpin et puis je me suis lancé petit à petit dans le ski de fond. Au départ c’était surtout pour travailler l’endurance en montagne. Au fur et à mesure, j’ai aimé la compétition dans cette discipline et j’ai bien performé. En 2019 j’ai été repéré par un entraîneur de l’Équipe de France. J’ai pu alors participer aux entraînements et stages avec l’Équipe de France paralympique et, 4 mois plus tard, j’étais sélectionné officiellement.. L’aventure en ski de fond a alors vraiment commencé !

Le petit plus d’Antoine : il s’entraîne avec les handisports, mais aussi avec les valides, ce qui lui permet de gagner un maximum d’expérience dans sa catégorie.

Antoine :

Quand j’ai commencé à vraiment performer en ski de fond, j’ai pu faire pas mal de compétitions avec les valides pour acquérir encore plus d’expérience. J’ai également fait toutes les courses au niveau national avec les handisport, 2-3 coupes d’Europe et puis mes premiers JO d’hiver, les Deaflympics à Erzerum en Turquie au mois de mars 2024. Là-bas, j’ai pu participer à 4 épreuves : 3 individuelles et 1 relais, et c’est au sprint en relais classique en ski de fond que j’ai eu la médaille de bronze. C’est vraiment historique car c’est la 1ère médaille pour la France depuis la création des JO Deaflympics en 1949.

C’est une réelle fierté pour moi et une expérience incroyable de représenter la France. Il y avait plus de 1000 athlètes malentendants présents et, sur une quinzaine de fondeurs sourds, ils n’en prenaient que 2 pour les épreuves. En plus de participer aux JO, j’ai également gagné un 10km avec les valides début janvier. Ça m’a donné une motivation qui n’était pas négligeable 2 mois avant la compétition. C’est la plus belle saison de ma carrière de fondeur !

Il a fallu aussi s’entraîner pour l’altitude aussi, car les stations en Turquie sont situées à plus de 2000m d’altitude, et la neige y est bien tombée cette année. Les conditions étaient top et on a tout donné pour ne rien regretter !

Souvent écartés des autres sportifs paralympiques, les athlètes sourds et malentendants ont donc leurs propres compétitions : Les Deaflympics en hiver et en été.

Antoine :

C’est vraiment une belle fierté d’avoir pu participer à cette compétition, car c’est la seule que nous avons à l’international. Aux Jeux Paralympiques, il n’y a pas la catégorie sourd et malentendant, c’est une compétition à part. C’est une question politique car, dans certains pays, être sourd ou malentendant n’est pas considéré comme un handicap et ils n’arrivent pas à se mettre d’accord au niveau international pour intégrer cette catégorie. En France, on peut s’entraîner avec les athlètes paralympiques, mais chacun a sa compétition. C’est dommage !

Du coup, si les JO d’hiver sont dans les Alpes Françaises en 2030, je ne pourrais pas y participer à l’heure actuelle. Mais, ce qui est sûr, c’est que je serai spectateur pour encourager les copains. Et puis, j’aurai 34 ans, donc on ne sait pas où j’en serai à ce moment-là. Mon objectif maintenant ça va être de continuer à me faire plaisir et prendre de l’expérience avec les valides. J’aimerais faire de grandes distances et peut-être tenter un marathon. En tout cas, je vise les prochains Deaflympics en 2027 pour tenter de faire encore mieux que cette année.

Le ski de fond n’est pas sa seule activité au quotidien. Il a un travail qui lui prend aussi pas mal de temps et qui nécessite une bonne organisation pour caler ses entraînements et bien sûr ses loisirs.

Antoine :

Le ski de fond me prend beaucoup de temps dans mes semaines, surtout avec mon travail. Je dois jongler entre mon job, les entraînements et trouver du temps pour profiter avec mes amis, c’est important de prendre du temps pour soi. Concernant mon travail, je suis technicien outilleur mouliste chez Injection 74 à Alex. C’est-à-dire que je fabrique, répare, entretien ou modifie des moules pour l’injection plastique dans le milieu de l’automobile, aéronautique, médical, cosmétique, alimentaire et le sport. Ce n’est pas vraiment de la production mais plutôt de la mécanique. C’est assez intense, et ça fait maintenant 8 ans que je fais partie de l’entreprise. L’organisation est rigoureuse au quotidien. Jusqu’en 2023, je travaillais à temps plein, mais depuis, on a aménagé mes horaires : je commence très tôt le matin, à 5h et je finis à 13h. Ce rythme là me permet d’avoir plus de temps l’après-midi pour m’entraîner.

Et puis, ça dépend des périodes, mais l’hiver, je finis le travail et je vais directement m’entraîner sur les pistes de ski de fond aux Confins ou à Beauregard. L’été c’est un peu différent. Je vais d’abord faire une sieste pour ne pas commencer l’entraînement en pleine chaleur et puis je pars m’entrainer. C’est intense mais c’est stimulant. Cette année, avec les Deaflympics, c’était un peu différent, j’ai demandé à être à mi-temps pour avoir encore plus de temps pour m’entraîner. Du coup j’étais plus en forme, j’ai pu faire plus de stages et ça a payé !

Sourd de naissance, Antoine n’a que 5% d’audition, pourtant il est possible d’avoir une conversation parlée avec lui. Une enfance parmi les entendants dans une école classique, c’était le souhait de ses parents, qu’il puisse communiquer facilement avec les autres.

Antoine :

Je suis né sourd profond, mais on ne s’en est rendu compte qu’à mes 6 mois. Jusque-là, je ne pleurais pas, je ne criais pas et mes parents ont commencé à se poser des questions. On a fait de nombreux tests dont un avec un médecin spécialiste où on était dans une pièce fermée avec mes parents et la musique à fond. Mes parents ont eu les oreilles explosées mais moi je ne disais rien, ils ont compris alors qu’il y avait un problème. Après plusieurs tests, ils ont conclu que j’étais sourd à 100% de l’oreille gauche et 95% de l’oreille droite. J’ai pu avoir mes premiers appareils à 1 an et demi et là, j’ai découvert un monde nouveau. J’ai pu entendre certaines choses, mon histoire a vraiment commencé à partir du moment où j’ai pu prononcer mes premiers mots de bébé, et en tant que personne avec un handicap. Mes parents ont dû réfléchir à mon avenir et à mon évolution dans la société. Dans le monde des sourds, il existe 2 langages différents : la langue des signes où on ne communique qu’avec les mains et les gestes, et le 2ème langage est le Langage Parlé Complété (LPC), c’est un langage composé de voyelles et chaque signe de la main correspond à une consonne. C’est un codage, mais avec de la lecture labiale. Mes parents ont alors choisi ce langage là pour moi, qu’ils ont appris aussi.

J’ai toujours vécu dans le monde des entendants, j’ai fréquenté une école classique et non spécialisée. J’étais toujours au premier rang et j’avais une interprète que l’on appelle un Codeur LPC qui traduit ce que dit la maîtresse et les élèves. J’ai aussi fait du soutien scolaire pour le vocabulaire et le français car j’étais quand même en décalage. Cela a été complété par un travail avec une orthophoniste pour améliorer la communication, comme tout le monde.

Après toute ma scolarité à l’école classique, j’ai pu enchaîner avec un BTS en alternance. Je ne regrette pas du tout le choix de mes parents, au contraire. Être dans une école non spécialisée m’a permis de prendre confiance en moi, de rencontrer du monde et de discuter avec les personnes de mon entourage. Ce qui a été difficile, et beaucoup de personne passe aussi par-là, c’est les moqueries par rapport à la surdité, mais quand tu prends du recul tu t’y habitues. Aujourd’hui, ce n’est plus vraiment un handicap pour moi, il est invisible, c’est un handicap qu’on ne voit pas.

Avec un quotidien bien rempli, entre les entraînements, les compétitions, son travail, Antoine garde quand même de la place pour passer du temps avec ses amis athlètes de La Clusaz comme Gérard Agnellet, Jules Chappaz ou encore Hugo Lapalus. Entre les fêtes et les matchs de foot (sa 2ème passion) à Annecy ou Lyon, il garde en tête son objectif : continuer à se faire plaisir en ski de fond et participer aux prochains Deaflympics qui auront lieu à Pyeongchang en 2027 ; où on le suivra et l’encouragera fortement !