Ah le ski de bosses, les genoux qui se lèvent, le souffle qu’on retient au passage du tremplin, Edgar Grospiron, Raphaëlle Monod, nous quand on se prend pour des athlètes sur La Tétras ou le Mur d’Edgar prêts à battre notre propre record… On sait que ça vous parle. Mais connaissez-vous, sa petite sœur, discipline discrète et élégante : le ski ballet ? À votre avis, laquelle des deux a le plus influencé le ski freestyle actuel ? Pour les loufoques ou les déterminés, c’est parti pour une petite descente acrobatique au cœur de l’histoire de ces sports mythiques !
Ski ballet, la discrète artistique
Vous êtes au sommet du champ de bosses, concentré. Mais vous décidez finalement de prendre la pente bien moins inclinée, là, sur le côté. Et au lieu de jouer le chrono, votre corps est pris d’un élan de grâce et enchaine, tout en glissant, figures, pirouettes et mouvements chorégraphiés. Tantôt en l’air à l’aide de vos bâtons, tantôt en rotation bien ancré au sol. Voilà, vous avez un premier aperçu de ce que ça fait d’être un mi-gymnaste, mi-patineur artistique avec des skis aux pieds : un skieur de ballet. Aussi appelé acroski, cette discipline née dans les années 70, a été sport de démonstration olympique en 1988 et 1992. Pendant 1’30, les athlètes enchainaient sur une piste quasi-plane des figures choisies, avant que des juges ne se prononcent. Bref, c’était la discipline discrète et artistique du ski freestyle actuel. Disparue des compétitions depuis la fin des années 90, elle a eu une influence certaine sur toute une génération de skieurs. Au centre de sa pratique, créativité et acrobaties mais surtout souplesse et habileté, des qualités essentielles pour les skieurs des nouvelles disciplines du freestyle : skicross, slopestyle, halfpipe et big air.
Ski de bosses, l’explosive tenace
Retour au sommet de notre champ de bosses, cette fois la vitesse et la pente sont de mise. On est parti pour de la bonne neige au soleil et du rythme dans les moguls. Ça enchaîne vite et bien, jusqu’au tremplin où il faut rester serein pour entrer la plus belle figure sans trop ralentir. Et de une ! Encore un peu de vitesse, les genoux qui chauffent. Un deuxième saut et on est presque au bout. C’est physique, c’est intense, un vrai rodéo sur neige mais quel kiffe ces sensations, on espère que vous en avez bien profité (même dans votre tête) ! C’est comme ça que le ski de bosses sait se faire remarquer ! Elle est du côté de l’olympisme depuis les Jeux d’Albertville en 1992 et continue de fasciner aujourd’hui. Elle consiste à descendre une pente de presque 30 degrés où le placement est la clé pour pouvoir garder sa vitesse et rester solide dans les acrobaties. Sur le papier, elle paraît moins freestyle que sa cousine le ballet, plus calée et cadrée mais il ne faut pas s’y fier, ses qualités à elle c’est l’adaptabilité, des cuisses en bétons et la concentration.
L’origine des origines : le ski hot-dog !
Mais avant tout ça, il y a ceux qui étaient surtout là pour le spectacle, et vous pourriez être tentés d’essayer ! Dans les années 70, avant même que la compétition ne prenne du terrain, certains irréductibles mêlaient bosses, ballet et même saut acrobatique dans ce qu’on appelait le « hot dog skiing ». Irréductibles et surtout rebelles, pour pouvoir tout faire d’un coup en s’éloignant d’un ski plus conventionnel, ils n’hésitaient pas à se faire du matériel sur mesure, en taillant dans des bâtons pour faciliter les figures. Le maître mot : s’amuser ! À coups de virages skis serrés sur une piste on ne peut moins lisse, ils alternaient entre chutes contrôlées et sauts acrobatiques. Un subtil et délicieux mélange qui ne laissait pas les spectateurs de marbre, bien conscients de la maîtrise qui était derrière ces descentes. La mère des disciplines freestyle était donc multiple, inventive et déjà indomptable.
La Clusaz se souvient
De mémoire de mangeurs de tavaillons, La Clusaz a toujours été terre de freestyle. En 1995, les finales de championnats du monde de ski artistique (comme on les appelait à l’époque), ont lieu dans la station des Aravis. Le duel Brassard-Grospiron, les deux skieurs de bosses stars de l’époque, est sur toutes les lèvres. Le premier est canadien, champion du monde et champion olympique, le deuxième joue à domicile au milieu de son fan club juste avant de prendre sa retraite sportive. Mais en parallèle, un autre enjeu plus discret occupe les esprits. Les danseurs sur planche qui ouvriront la compétition comptent bien mettre en avant leur discipline pour la rendre olympique. Sur du tango ou hard rock, les acharnés de travail se démènent mais rien n’y fait, l’olympisme ne sera pas au bout de la piste. Et le ski ballet sera éclipsé par la victoire d’Edgar Grospiron à la maison en bosses. Reste que la discipline la plus gracieuse et harmonieuse du freestyle aura laissé en héritage aux générations futures le goût de la créativité, de l’inventivité et de l’enchaînement esthétique. Autant dire, beaucoup. Sous toutes ses formes, l’évolution de ce sport a amené des champions du coin et d’ailleurs à toujours réinventer leur pratique et donne les disciplines freestyle qu’on connaît aujourd’hui. Avec les qualités du ski incisif de bosses, on peut dire que les deux ancêtres ont fait de beaux petits qui continuent de vivre de leur esprit rebelle et n’ont pas fini de nous faire rêver !