Adolescent, il vit pour ses deux passions : le snowboard et la photo. Originaire d’Annecy, Germain « essaye de faire des photos comme dans les magazines » avec ses potes sur les snowparks. Il apprend en autodidacte, épluche les revues spécialisées, gagne même un concours organisé par le magazine Phototech, mais n’imagine pas devenir professionnel. Il passe un diplôme de dessinateur industriel et travaille pendant 10 ans. S’il aime le caractère créatif de son métier, il se sent esclave d’un système hiérarchique et des heures passées dans un bureau, aux antipodes de la liberté que procure la photo de sport outdoor. En 2018, il se lance. Son audace est récompensée en 2020 par le Red Bull Illume, qui distingue les meilleures images conjuguant art et sport à travers le monde. Il remporte la catégorie Jamais vu avec une photo du trialiste freestyle Léo Nobile.
Quelle est l’histoire de cette photo ?
En 2017, le lac du Bourget a débordé suite à des inondations. Je repère un ponton sous l’eau et j’appelle direct Léo pour qu’il vienne avec son trial. Un autre photographe était sur place pour les mêmes raisons que nous, mais il n’avait plus de batterie. On fait un deal : je lui prête une batterie en échange de l’exclusivité du spot. Léo roule en faisant attention au courant et fait un saut. On dirait qu’il sort de l’eau comme un dauphin. On savait qu’on était en train de faire quelque chose de spécial, mais je ne pensais pas que cette photo remporterait le Red Bull Illume. Je pensais à une autre en fait…
Laquelle ?
Un saut de Léo au-dessus d’une cabine téléphonique anglaise au beau milieu de la montagne, près du lac du Cormet. Pour l’anecdote : la cabine a été achetée par les propriétaires de l’alpage, à qui les randonneurs demandaient où ils pouvaient téléphoner car le réseau ne passait pas. Ils répondaient avec humour d’aller à la cabine du belvédère, qui évidemment n’existait pas. lls ont fini par en installer une pour la blague. Nous sommes partis en expédition avec un vélo, un escabot et 40 kg de matériel. On a préparé le spot pendant deux heures, la pluie s’est mise à tomber et là, tout s’éclaircit avant le coucher de soleil : Léo fait un saut à 2,5 mètres. C’est certainement la photo dont je suis le plus fier.
Quelle est ta définition de la photographie ? Et de ton style ?
Voyager et faire voyager dans son imagination. Si je devais définir mon style, je dirais simplement : différent d’une photo iPhone. Je déteste qu’on me dise : « Je fais pareil avec mon téléphone ! »
Tes images possèdent un aspect artistique, voire poétique. Quelles techniques utilises-tu ?
J’utilise plein de techniques différentes : la méthode Breinizer, qui associe une faible profondeur de champ avec un grand angle de vue ; le prisme pour créer des effets de distorsion de lumière ; le miroir, la règle des tiers… J’aime jouer avec l’environnement qui m’entoure. Je travaille aussi beaucoup la post-production, qui offre une multitude de possibilités 2.0.
Quelles nouvelles techniques aimerais-tu expérimenter ?
J’aimerais développer tellement de choses… L’imagination n’a aucune limite. Il faut garder une âme d’enfant et essayer en permanence pour voir si ça marche.
Est-ce que tu suis le travail d’autres photographes ?
Non, car je n’ai pas envie d’être influencé. Mais je regarde beaucoup de photographes animaliers. J’admire leur travail et leur patience, car c’est compliqué d’être créatif avec des animaux. On ne peut pas choisir l’endroit, le moment, la mise en scène. C’est plus simple de travailler avec des sportifs !
Ton spot préféré à La Clusaz ?
La combe de Bellachat, avec ses 2000 m de dénivelé. J’ai toujours un grand sentiment de liberté quand j’y vais. Nous y avons tourné le film Scoping en 2018. D’une manière plus générale, la région permet de profiter pleinement de tous les sports : VTT et trial, parapente, wake sur le lac d’Annecy, freestyle et freeride… J’aimerais souligner que La Clusaz est l’une des rares stations qui croit toujours au freestyle, avec des infrastructures et des investissements importants. C’est une référence pour les riders du monde entier, qui connaissent Balme, les champions de légende, les évènements comme le Candide Invitational ou le LCZ Fest.
Ta plus grande satisfaction ?
Vivre des moments uniques, faire des photos d’action en mesurant les risques pour prendre la meilleure image possible. Je travaille avec des pros, notamment avec Ben Buratti* dont je suis le photographe officiel. Récemment, j’étais avec lui sur le tournage de Finally tourné à La Clusaz à la sortie du premier confinement. On a beaucoup parlé du film, notamment dans la presse. Je me sens chanceux, même s’il y a parfois des conditions extrêmes et des bonnes montées d’adrénaline.
Si tu n’avais qu’une seule photo à faire ?
Impossible, j’ai la tête remplie de projets !
Peux-tu nous en dévoiler certains ?
Il y en a beaucoup avec Léo. Un saut périlleux arrière dans les champs de lavande en Provence, au coucher du soleil ; une photo d’action dans la grotte des Sarrasins au-dessus du lac d’Annecy ; un saut tête en bas sur un petit barrage en forme de bosse, à 5 mètres de hauteur… Le Col des Aravis m’inspire aussi beaucoup : il y a un gros potentiel pour le VTT, avec le franchissement de rochers en trial pur sur la roue avant et la vue sur le Mont Blanc. Sans parler d’une faune incroyable, avec des lynx et des loups. Je serai peut-être photographe animalier dans quelques années !
*Freestyler de La Clusaz, membre de l’équipe de France de slopestyle. Sélectionnné aux Jeux Olympiques 2018 et meilleur Français au classement mondial 2019.
Pour suivre Germain sur Instagram : @germ_photography